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7 octobre 2023 6 07 /10 /octobre /2023 02:40
Le Magicien Klingsor prophétise la Naissance d'Elisabeth de Hongrie - Château de Wartburg , Eisenach , Thuringe , par August Oetken ( 1868 -1951 ) , peintre historiciste et mosaïste allemand .

Le Magicien Klingsor prophétise la Naissance d'Elisabeth de Hongrie - Château de Wartburg , Eisenach , Thuringe , par August Oetken ( 1868 -1951 ) , peintre historiciste et mosaïste allemand .

 

 

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

 

Préface / Dédicace

     

 

 

 

 

 

Pour Novalis

et pour Clara Schumann

 

 

 

 

 

 

La Coupe et le Glaive

( Banale Rencontre )

 

" L'Epée coupait le Suaire ,

  Couvrant la Gemme de Son Sang ,    La Pierre à son tour brisant 

  Ton Glaive d'Or étincelant ... " 

Dan Ar Wern

 

" Qui songe à la mort de Perceval ? "

Virginia Woolf - " Les Vagues " ( The Waves , 1931 )

 

" Pour ceux qui portent Son Feu dans le coeur et Sa Lumière dans les yeux ! "

Pape François

 
 

 

 

 

 

 

 

 

        

 

 

 

 

         1 - Ce que nous entendons des grands artistes , parfois , nous laisse rêveurs .  Quand ils jouent , c'est aussi beau , peut-être plus , que la musique des sphères , lorsque leur amour s'envole avec le nôtre et que nous assistons , comme eux , remplis d'impuissance , au triomphe de la Mort . 

Qu'êtes-vous venus faire parmi nous ? , leur demandons-nous ,  que sommes-nous venus faire ici-bas , dans ce monde misérable ?

- Quel problème , avec tous ces gens qui ne comprendront jamais rien au mystère de la Beautédont parlent Baudelaire ou Nerval ! , semblent-ils nous répondre .

     

      2 - Nos vies paraissent si étranges , difficiles à comprendre . Elles passent comme clair-obscur d'un Destin qui s'est mis à surgir là , brutalement

dévoilé . Sans doute était-il temps ? Qui peut savoir si tous ses souvenirs vivant encore avec force dans l'intimité de nos coeurs , dont nous prenons conscience , ne peuvent servir de prétexte à cacher notre effroi devant un avenir dont nous avons plus peur encore , nous demandant si ce qu'il y a en lui , mais aussi tout autour , aura jamais une quelconque signification . 

           Que de lettres enflammées je lui avais écrites , pourtant , mon âme remplie d'elle , pleine d'espoir aussi longtemps que ma foi naïve avait pu résister à l'étendue de mon chagrin . Banale rencontre dont je ne reçus jamais de réponse . Tout ca semblait si loin , maintenant ...  Ne m'avait-on pas assuré que cette histoire serait impossible pour nous deux sur la Terre ? D'ailleurs , que pouvait bien signifier , au sens commun , la valeur d'une vraie passion ? Les souvenirs continuaient , de temps à autre , d'attrister mon

coeur . C'était tout . Fouiller dans le passé ne sert très souvent qu'à faire s'agiter des fantômes . Découragé , sans force , j'étais devenu peu à peu insensible , presqu'indifférent . N'avais-je pas fait tout mon possible , après tout , pour me débarrasser de cette ancienne vie ? Même si le temps d'une balade , quelquefois , je revivais notre insouciance devant le spectacle d'amoureux se promenant , main dans la main , sur les quais de Seine ... 

           Puis un jour de voyage , constatant que ma montre avait perdu l'une de ses aiguilles , j'étais vite revenu me blottir sur mon siège pour y trouver refuge . Le temps , pensais-je en observant le cadran , n'a souvent plus de couleur , il ne fait que passer comme une ombre fugitive , entre nuit et jour . Il y a des gens qu'on aime , d'autres qu'on voudrait voir s'éloigner . Qui peut dire , en vérité , où vont nos pas , ce qu'étaient vraiment nos amours , nos vies ? Poursuivant ma lecture , je nourrissais , comme dans le livre , de sombres pensées , ma propre vie me semblant " solitaire , assez insignifiante , fragile colonne dressée parmi les ruines des années perdues , ne supportant plus rien ... " ( 1

          Mais légèrement plus tard , ce fut elle que , de loin , je crus revoir à moitié assoupie , une belle écharpe de cachemire tombant sur ses épaules . Quand j'eus l'audace de  revenir à l'endroit où elle se trouvait assise dans l'avion , me glissant près d'elle , nos yeux se croisèrent . Le visage blême , elle avait levé la tête , osant même une esquisse de sourire .                                
           " C'est vous , n'est-ce pas ? , lui dis-je enfin . 
Surprise , la femme , l'air de celle qui a vu brusquement surgir un revenant accouru depuis l'au-delà , fronça le sourcil  .

" C'était il y a si longtemps , rappelez-vous ! , poursuivis-je à voix basse ... Vingt ans , peut-êtreElle n'avait pas prononcé une parole  , et ce que je venais de lire s'était bizarrement mêlé aux images floues d'un passé révolu . Accablé de tristesse , je courbais l'échine . J'avais fait une erreur , j'en payait

le prix . 

          C'était une belle fille , sans

doute , que celle qui se trouvait devant moi , encore jeune , mais avait-elle un lien , même fragile , avec ma propre histoire , ce chemin de solitude emprunté le jour de son départ ? Pouvait-elle nourrir ma conscience , comme l'autre , celle que j'invoquais au pays des limbes , rassembler tout mon être , et faire de mon âme un seul dessein des multiples impressions ressenties depuis l'aube des jours , vivante dans le désert de mon coeur meurtri , dans la soif d'un idéal inaccessible , cachée dans la grande désespérance d'un amour 

sacrifié ? Maintenant que tout était

mort ...

          Ne l'avais-je pas cherchée en vain dans toutes les villes dont elle m'avait parlé jadis ? Dans tous les livres , toutes les musiques ?

Mais , " quand nous sommes perdus , quelle image invoquer ? " ( 2

" Comment faire que mon âme ne soit éveillée par la tienne ? " ( 3 )  

           Questions lancinantes qu'inlassablement semblait poser  l'immensité toute noire de la masse océane , imperceptible présence d'un mystère

infini , tout en bas , me répétant sans cesse la célèbre " Chanson d 'Amour " de Rilke .  

           Au dehors , dans les lointains d'une aube crépusculaire , étendue sur la mer bleue-verte , une pâle lueur fit renaître en moi , d'une manière incomparable , un timide , indicible espoir . Elle scintilla dans la nuit , comme une réponse tant attendue !

           Un vers de Victor Hugo , réminiscence des jours indolents de l'école , traversa rapidement mon esprit tourmenté :          

" O ciel , ainsi que toi le coeur est un abîme ." ( 4 )

          Je soupirais , comprenant trop tard ce qu'il signifiait .

          Mais lorsque j'essayais de bredouiller enfin quelques mots d'excuse , la passagère avait disparu ... 

 

     3 -  Si l'on en croit la légende irlandaise , c'est parce que la princesse Dana  ne voulait certainement pas faire aux humains le don d'immortalité qu'elle était venue rechercher sur la Terre d 'Irlande , cette fameuse " Pierre de Vie " , chargeant ses guerriers de retrouver sa trace ! Qui connaît les vraies raisons d'une guerre ou d'une invasion , soupirait-elle malicieusement , qui sait pourquoi ils ont été formés spécialement par moi pour cette nouvelle quête du

Graal ? Car la pseudo-éternité des " Grands Maîtres " , des Seigneurs gardiens de l'héritage , ne lui suffisait plus . Ces gens-là , qui avaient signé un pacte avec le Déchu , avaient l'audace de se prendre pour Dieu ! C'est ce qui , d'après elle , causa leur perte ! ( 5 )

Chaque être a son double , n'est-ce

pas , disait-elle avec ironie , comme la Lune , masquant d'un faux sourire la face cachée de son côté le plus sombre ? Jamais la foudre d'un éclair ne pourra remplacer la lumière du paradis !

           C'est alors qu'elle crut voir au plafond surgir un Ange avec à la main droite une épée de feu scintillante émettant des bouquets de flammes multicolores !

           Mais il était venu d'ailleurs , léger comme une plume avec son nouveau corps , là-bas , flottant sur sa table d'hôpital ! Et ce qu'elle avait pris pour un glaive n'était en fait qu'un scalpel , un faisceau de pierres translucides tenu par l'une de ces créatures bizarres vêtues de blouses blanches , de combinaisons , qui l'opérait à coeur ouvert , semblant dire , car il ne voyait pas leurs lèvres qui remuaient  derrière leurs masques - pourquoi les comprenait-il ? 

- Cela ne sert à rien puisqu'elle t'ignore ! Il vaudrait mieux mourir ... 

         Et l'Ange hurlait dans sa tête : - Pénitence ! Pénitence

     4L'étranger , dans les lointains brumeux d'un miroir d'eau , aperçut une magnifique jeune fille vêtue d'une robe 

de bal toute blanche : - Alors , mon

cher ? , fit la belle d'un air ironique provoquant le rire de ses compagnes qui s'éloignèrent tel un vol de tourterelles ... Vous ne trouvez pas qu'il est trop tard pour des retrouvailles

          Mais déjà , une autre voix de femme , à l'entrée majestueuse du manoir , l'appelait : - Entrez donc , il faut guérir votre blessure ! Vous avez déjà beaucoup trop souffert

         Qui donc pouvait être cette nouvelle Madone ? , s'interrogea-t-il , se sentant défaillir , éclatant en sanglots . Qui était celle , coiffée d'un chapeau de paille , ayant su si bien lire en ses yeux les blessures démesurées du soleil couchant , cette petite tache rouge comme une aube nouvelle à sa tempe sanguinolente , signe en lui d'une douleur sans

fin , souvenir d'une lutte féroce avec les gens du Village ?

         Il était mortellement touché , il allait mourir , peut-être le comprenait

-elle , avec ce bandeau posé sur les yeux de son esprit malade , mais tombant enfin dans les bras providentiels de cette pimpante infirmière à l'étole en

" blonde " sur son corsage de soie , et

qui , avec tant de grâce , faisait gracieusement tourner devant lui sa jupe de tulle bleu à crinoline ? 

         - Pitié rend sage le Fou au coeur pur ! , lui dit alors la Damoiselle aux mains de fine blancheur , et dont le tendre visage de consolation n'était qu'un pâle reflet vivant de sa propre angoisse et de son désespoir ! Sache attendre  , toi que j'ai choisi

        - Le Diable est à mes trousses ! , lui cria-t-il en réponse , frissonnant de terreur au moment de franchir , timide , le seuil de la Porte , car il craignait de rompre , en approchant trop près du Sanctuaire , la beauté d'un rêve religieux baigné d'une lumière aussi diaphane émanant de Sa douce présence ...

Elle irradiait le carrelage du vestibule , sorte d'échiquier sur lequel glissait comme un cygne un mystérieux fantôme parmi les statues de plâtre des Dieux du nord !

- Je suis Klingsor , le  cavalier du crépuscule ! , s'écriait l'homme d'un ton vengeur , portant sur son manteau blanc de chevalier teutonique la croix noire et le masque de la mort sans visage ! ( 6 )

Mais vous , n'êtes-vous pas assez " folle " vous-même pour vivre en un lieu si terrible ? , lui lança-t-il avec rage ! 

 

                     ___

 

 

DAN AR WERN - UNE VIE D'ARTISTE - Préface / Dédicace - La Coupe et le Glaive ( Banale Rencontre ) - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " UNE VIE D'ARTISTE " , copyright 2023

                 

                      ___

Notes :

 

- The Sojourner ( Celui Qui Passe ) , nouvelle de Carson McCullers

( 1917 -1967 ) dans son recueil "The Ballad Of The Sad Café " ( La Ballade du Café Triste ) : en anglais , Penguin Books , 1974 ; en français , Stock Editeurs , 1974 .

2 - Poème de Carson McCullers .

3 - " Chanson d 'Amour " de Rainer Maria Rilke ( 1875 - 1926 ) , écrivain , poète autrichien né à Prague .

4 - " Le Tas de Pierre " , Amour , de Victor Hugo ( 1802 - 1885 ) .

5 - Dana , déesse mère des " Tuatha Dé Danann " dans la mythologie irlandaise . 

6 - Klingsor , magicien de la légende arthurienne et de la mythologie germanique apparaissant dans le roman " Parzival " de Wolfram d'Eschenbach , datant du 13è siècle , et repris par Wagner dans son opéra

( 1882 ) .

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