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23 octobre 2023 1 23 /10 /octobre /2023 16:32
Tristan et Iseult - Chambre à coucher du Château de Neuschwanstein ( Bavière ) - August Spiess , 1881 .

Tristan et Iseult - Chambre à coucher du Château de Neuschwanstein ( Bavière ) - August Spiess , 1881 .

 

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

Teaser / Bio

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Offrande Musicale

 

 

 

     

 

 

 

 

   

1 - Qu'est-ce que l'Amour ? , se demande l'étranger quand il se met à suivre une ombre rêveuse et téméraire portant un masque dissimulant avec peine le douloureux secret de son âme ... Dans ces ténèbres du crépuscule où il erre vers l'autre incognito , il finit par la rejoindre quand il ne la cherchait plus , celle qu'il avait souhaité depuis longtemps connaître , mais dont il prenait peur de découvrir l'identité : son double ! 

2 - Malgré son chagrin , la pianiste , au soir d'une fête célébrant Bach , se souvient du Maître dirigeant l' " Offrande Musicale " , s'efforçant d'imaginer qu'ils avaient été  " deux  " sur la Terre , un moment réunis par la Providence , mais qu'ils ne pourraient jamais réellement devenir " un seul être " afin de communier à l'indicible patrie de leur idéal ...  

3 Klingsor , dans les lointains brumeux d'un miroir d'eau , perçoit la magnifique jeune fille vêtue d'une robe toute blanche : - Alors , mon cher ? , lui dit la belle provoquant le rire de ses compagnes qui telles des tourterelles prennent leur envol ... Vous ne trouvez pas qu'il est trop tard pour des retrouvailles ? Mais déjà , à l'entrée majestueuse du Temple , une autre voix l'appelle  : - Entrez donc , il faut soigner vos blessures , vous avez bien trop souffert  

4 - Si l'on en croit la légende , c'est parce que la princesse Dana  ne voulait pas faire aux humains le don d'immortalité qu'elle était venue chercher la fameuse " Pierre de Vie " en Irlande ! Qui connaît les vraies raisons d'une guerre ou d'une invasion , qui sait pourquoi je les ai formés pour cette quête du Graal ? Chaque être a son jumeau , n'est-ce pas , que ce soit la belle Iseut masquant d'un faux sourire la face cachée de son côté le plus sombre , Tristan : Jamais la foudre d'un éclair ne peut remplacer la Lumière du Paradis !

   

 

 

 

 

 

 

 

DAN AR WERN , écrivain breton , vécut sa prime enfance au coeur de la forêt de Brocéliande avant de voyager à travers le monde , se passionnant pour la littérature , la musique , la culture celte , l'ésotérisme et la spiritualité ...

 

 

 

 

 

DAN AR WERN - UNE VIE D'ARTISTE Teaser ( 4ème Couv.) - Bio - L'Offrande Musicale Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved . " UNE VIE D'ARTISTE  " - Copyright 2023 .

          

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22 octobre 2023 7 22 /10 /octobre /2023 15:03
Le Jardin du magicien Klingsor , peinture murale de Christian Jank au château de Neuschwanstein ( Bavière )

Le Jardin du magicien Klingsor , peinture murale de Christian Jank au château de Neuschwanstein ( Bavière )

 
 

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

VI - Postface

     

 

 

         

 

Klingsor

 

 

 

 " Comment faire que mon âme ne soit éveillée par la tienne ? "  

  Rainer Maria Rilke - " Chanson d 'Amour " .

 

 

      1 - Ce qu'au premier rang , le spectateur attend d'une artiste quand elle joue devant lui ce concert grandiose auquel il assiste de leur impuissance face à la Mort , c'est que son amour s'envole soudain de l'orchestre au milieu d'un essaim de ses notes-papillons

multicolores . Loin du monde où leur vie passe , misérable clair-obscur d'un mystère à peine entrevu de souvenirs vivant encore dans l'intimité de leur être , et qui leur demande souvent si ce qu'il y a jamais eu en eux de réel et tout autour peut avoir une signification , que de lettres enflammées celui -ci lui a

écrites , pourtant , victime d'une banale rencontre remplie d'espoir aussi longtemps que sa foi naïve a pu résister à l'étendue de son chagrin . Que signifie , d'ailleurs , pour elle , s'interroge-t-il , une vraie passion ? C'est tout . Fouiller dans le passé ne lui sert qu'à faire s'agiter des fantômes . Découragé , sans force , il est devenu peu à peu insensible , presqu'indifférent , même si l'instant d'une symphonie ou quelquefois lors d'une balade , il croit revivre , devant le spectacle d'amoureux se promenant , main dans la main , sur les quais de

Seine , le temps merveilleux de l'insouciance ... Ne l'a-t-il pas cherchée en vain dans toutes les villes dont elle lui a parlé jadis , dans tous les livres , toutes les musiques ? Mais un jour de voyage , constatant que sa montre a perdu l'une de ses aiguilles , c'est elle qu'il croit enfin revoir , une belle écharpe de cachemire tombant sur ses épaules . " C'est vous , n'est-ce pas, lance-t-il à une jeune pianiste , surprise , l'air de celle qui a vu brusquement surgir un revenant accouru de l'au-delà . Rappelez-

vous poursuit-il à voix basse devant celle qui n'a pas prononcé une parole , accablée par ce qu'il vient de lui dire et qui s'est bizarrement mêlé aux images floues d'un passé qu'il croyait

révolu . Mignonne, sans doute ,

attirante , mais a-t-elle un lien , même fragile , avec sa propre histoire , se demande-t-il , s'excusant de sa méprise , et pourrait-elle autant nourrir sa conscience que l'autre , celle qu'il invoque , le soir , au pays des limbes , depuis ce chemin de solitude emprunté le jour de son départ ? Serait-elle capable , vraiment , de faire de son âme un seul dessein des multiples impressions ressenties depuis l'aube des jours , vivante dans le désert de son coeur meurtri , dans la soif d'un idéal inaccessible , cachée dans la grande désespérance d'un amour sacrifié ?

 

      2 - Si l'on en croit la légende irlandaise , c'est parce que la princesse Dana  ne veut certainement pas faire aux humains le don d'immortalité qu'elle est venue rechercher sur la Terre d'Irlande , cette fameuse " Pierre de Vie " , chargeant ses guerriers de retrouver sa trace ! Qui connaît les vraies raisons d'une guerre ou d'une invasion , soupire-t-elle malicieusement , qui sait pourquoi ils ont été formés spécialement par moi pour cette nouvelle quête du Graal ? Car la pseudo-éternité des " Grands Maîtres " , des Seigneurs gardiens de l'héritage , ne leur suffit plus . Ces gens-là , qui ont signé un pacte avec le Déchu , ont l'audace de se prendre pour Dieu ! C'est ce qui cause leur perte ! 

Chaque être a son double , n'est-ce 

pas , précise-t-elle avec ironie , comme la Lune masquant d'un faux sourire la face cachée de son côté le plus sombre ? Jamais la foudre d'un éclair ne pourra remplacer la lumière du paradis !

          C'est alors qu'elle croit voir au plafond surgir un Ange avec à la main droite une épée de feu scintillante émettant des bouquets de flammes incandes-

centes !

          Mais il est venu d'ailleurs , léger comme une plume avec son nouveau corps , là-bas , flottant sur sa table d'hôpital ! Et ce qu'elle a pris pour un glaive n'est en fait qu'un scalpel , un faisceau de pierres translucides tenu par l'une de ces créatures bizarres vêtues de blouses blanches , de

combinaisons , qui l'opère à coeur

ouvert , semblant dire , car on ne voit pas leurs lèvres remuant derrière leurs masques - pourquoi les comprendrait-elle ? 

Cela ne sert à rien puisqu'elle nous ignore Ne vaudrait-il pas mieux

mourir ?

         Alors , l'Ange hurle dans sa

tête : Pénitence ! Pénitence  

     

      3 - L'étranger , dans les lointains brumeux d'un miroir d'eau , aperçoit une magnifique jeune fille vêtue 

d'une robe de bal toute blanche .  

Alors , mon cher ? , fait la belle d'un air ironique provoquant le rire de ses compagnes qui s'éloignent tel un vol de tourterelles ... Vous ne trouvez pas qu'il est trop tard pour des retrouvailles ? 

           Mais déjà , une autre voix de femme , à l'entrée majestueuse du manoir , l'appelle : Entrez donc , il faut guérir votre blessure Vous avez déjà beaucoup trop souffert 

                 Qui donc peut être cette nouvelle Madone ? , s'interroge-t-il , se sentant défaillir , éclatant en sanglots . Qui est celle , coiffée d'un chapeau de paille , ayant su si bien lire en ses yeux les blessures démesurées du soleil couchant , cette petite tache rouge comme une aube nouvelle à sa tempe sanguinolente , signe en lui d'une douleur sans 

fin , souvenir d'une lutte féroce avec les gens du Village ?

         Il est mortellement touché , il va mourir , peut-être le comprend-elle , avec ce bandeau posé sur les yeux de son esprit malade , mais tombant enfin dans les bras providentiels de cette pimpante infirmière à l'étole en blonde " sur son corsage de soie , et qui , avec tant de grâce , fait gracieusement tourner devant lui sa jupe de tulle bleu à

crinoline ? 

         - Pitié rend sage le Fou au coeur pur ! , lui dit alors la Damoiselle aux mains de fine blancheur , et dont le tendre visage de consolation n'est qu'un pâle reflet vivant de sa propre angoisse et de son désespoir ! Sache attendre  , toi que j'ai choisi ! 

        - LDiable est à mes trousses ! , lui crie-t-il en réponse , frissonnant de terreur au moment de franchir , timide , le seuil de la Porte , car il craint de rompre , en approchant trop près du Sanctuaire , la beauté d'un rêve religieux baigné d'une lumière aussi diaphane émanant de Sa douce présence ...

Elle irradie le carrelage du vestibule , sorte d'échiquier sur lequel glisse comme un cygne un mystérieux fantôme parmi les statues de plâtre des Dieux du nord !

Je suis Klingsor , le  cavalier du crépuscule ! , s'écrie l'homme d'un ton vengeur , portant sur son manteau blanc de chevalier teutonique la croix noire et le masque de la mort sans visage ! 

Mais vous , n'êtes-vous pas assez " folle " vous-même pour vivre en un lieu si terrible ? , lui jette-t-il avec rage ! 

          



      

                       ___

 

 

DAN AR WERN - UNE VIE D'ARTISTE - VI - Postface - Klingsor - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " UNE VIE D'ARTISTE " , copyright 2023

                 

                       ___

 

Notes : Voir Préface .

 

 

 
 
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10 octobre 2023 2 10 /10 /octobre /2023 11:27
UNE VIE D'ARTISTE - VII - Table des Matières
UNE VIE D'ARTISTE - VII - Table des Matières

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

 

VII - Table des Matières

 

 

 

     

 

 

      1 ) Préface / Dédicace :

           La Coupe et le Glaive

     

     

     

      2 ) L'Epée

     

     

     

      3 ) Masques

 

 

I - Tempête - II - La Clé du Contretemps - III - Délire - IV - Transfiguration - V - Le Chant du Cygne - VI - Amour et Trahison - EPILOGUE : Apsara .

     

 

     

      4 ) Récital

 

 

I - Cranagh Castle - II - Une Fête Etrange - III - Erinn - IV - Lia Fail - V - Nocturne - EPILOGUE : Sur la Route . 

 

 

     

      5 ) Célébration

 

 

I - Tressaillement ( Printemps ) - II - Pastorale ( Eté ) - III - Je Suis Perdu au Monde ( Automne ) - IV - La Jeune Fille et la Mort ( Hiver ) . 

 

 

     

      6 ) Postface : Klingsor

 

      7 ) Table des Matières

 

 

 

 

DAN AR WERN - UNE VIE D'ARTISTE - VII - Table des Matières - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights

reserved - " UNE VIE D'ARTISTE " , copyright 2023 .

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7 octobre 2023 6 07 /10 /octobre /2023 02:40
Le Magicien Klingsor prophétise la Naissance d'Elisabeth de Hongrie - Château de Wartburg , Eisenach , Thuringe , par August Oetken ( 1868 -1951 ) , peintre historiciste et mosaïste allemand .

Le Magicien Klingsor prophétise la Naissance d'Elisabeth de Hongrie - Château de Wartburg , Eisenach , Thuringe , par August Oetken ( 1868 -1951 ) , peintre historiciste et mosaïste allemand .

 

 

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

 

Préface / Dédicace

     

 

 

 

 

 

Pour Novalis

et pour Clara Schumann

 

 

 

 

 

 

La Coupe et le Glaive

( Banale Rencontre )

 

" L'Epée coupait le Suaire ,

  Couvrant la Gemme de Son Sang ,    La Pierre à son tour brisant 

  Ton Glaive d'Or étincelant ... " 

Dan Ar Wern

 

" Qui songe à la mort de Perceval ? "

Virginia Woolf - " Les Vagues " ( The Waves , 1931 )

 

" Pour ceux qui portent Son Feu dans le coeur et Sa Lumière dans les yeux ! "

Pape François

 
 

 

 

 

 

 

 

 

        

 

 

 

 

         1 - Ce que nous entendons des grands artistes , parfois , nous laisse rêveurs .  Quand ils jouent , c'est aussi beau , peut-être plus , que la musique des sphères , lorsque leur amour s'envole avec le nôtre et que nous assistons , comme eux , remplis d'impuissance , au triomphe de la Mort . 

Qu'êtes-vous venus faire parmi nous ? , leur demandons-nous ,  que sommes-nous venus faire ici-bas , dans ce monde misérable ?

- Quel problème , avec tous ces gens qui ne comprendront jamais rien au mystère de la Beautédont parlent Baudelaire ou Nerval ! , semblent-ils nous répondre .

     

      2 - Nos vies paraissent si étranges , difficiles à comprendre . Elles passent comme clair-obscur d'un Destin qui s'est mis à surgir là , brutalement

dévoilé . Sans doute était-il temps ? Qui peut savoir si tous ses souvenirs vivant encore avec force dans l'intimité de nos coeurs , dont nous prenons conscience , ne peuvent servir de prétexte à cacher notre effroi devant un avenir dont nous avons plus peur encore , nous demandant si ce qu'il y a en lui , mais aussi tout autour , aura jamais une quelconque signification . 

           Que de lettres enflammées je lui avais écrites , pourtant , mon âme remplie d'elle , pleine d'espoir aussi longtemps que ma foi naïve avait pu résister à l'étendue de mon chagrin . Banale rencontre dont je ne reçus jamais de réponse . Tout ca semblait si loin , maintenant ...  Ne m'avait-on pas assuré que cette histoire serait impossible pour nous deux sur la Terre ? D'ailleurs , que pouvait bien signifier , au sens commun , la valeur d'une vraie passion ? Les souvenirs continuaient , de temps à autre , d'attrister mon

coeur . C'était tout . Fouiller dans le passé ne sert très souvent qu'à faire s'agiter des fantômes . Découragé , sans force , j'étais devenu peu à peu insensible , presqu'indifférent . N'avais-je pas fait tout mon possible , après tout , pour me débarrasser de cette ancienne vie ? Même si le temps d'une balade , quelquefois , je revivais notre insouciance devant le spectacle d'amoureux se promenant , main dans la main , sur les quais de Seine ... 

           Puis un jour de voyage , constatant que ma montre avait perdu l'une de ses aiguilles , j'étais vite revenu me blottir sur mon siège pour y trouver refuge . Le temps , pensais-je en observant le cadran , n'a souvent plus de couleur , il ne fait que passer comme une ombre fugitive , entre nuit et jour . Il y a des gens qu'on aime , d'autres qu'on voudrait voir s'éloigner . Qui peut dire , en vérité , où vont nos pas , ce qu'étaient vraiment nos amours , nos vies ? Poursuivant ma lecture , je nourrissais , comme dans le livre , de sombres pensées , ma propre vie me semblant " solitaire , assez insignifiante , fragile colonne dressée parmi les ruines des années perdues , ne supportant plus rien ... " ( 1

          Mais légèrement plus tard , ce fut elle que , de loin , je crus revoir à moitié assoupie , une belle écharpe de cachemire tombant sur ses épaules . Quand j'eus l'audace de  revenir à l'endroit où elle se trouvait assise dans l'avion , me glissant près d'elle , nos yeux se croisèrent . Le visage blême , elle avait levé la tête , osant même une esquisse de sourire .                                
           " C'est vous , n'est-ce pas ? , lui dis-je enfin . 
Surprise , la femme , l'air de celle qui a vu brusquement surgir un revenant accouru depuis l'au-delà , fronça le sourcil  .

" C'était il y a si longtemps , rappelez-vous ! , poursuivis-je à voix basse ... Vingt ans , peut-êtreElle n'avait pas prononcé une parole  , et ce que je venais de lire s'était bizarrement mêlé aux images floues d'un passé révolu . Accablé de tristesse , je courbais l'échine . J'avais fait une erreur , j'en payait

le prix . 

          C'était une belle fille , sans

doute , que celle qui se trouvait devant moi , encore jeune , mais avait-elle un lien , même fragile , avec ma propre histoire , ce chemin de solitude emprunté le jour de son départ ? Pouvait-elle nourrir ma conscience , comme l'autre , celle que j'invoquais au pays des limbes , rassembler tout mon être , et faire de mon âme un seul dessein des multiples impressions ressenties depuis l'aube des jours , vivante dans le désert de mon coeur meurtri , dans la soif d'un idéal inaccessible , cachée dans la grande désespérance d'un amour 

sacrifié ? Maintenant que tout était

mort ...

          Ne l'avais-je pas cherchée en vain dans toutes les villes dont elle m'avait parlé jadis ? Dans tous les livres , toutes les musiques ?

Mais , " quand nous sommes perdus , quelle image invoquer ? " ( 2

" Comment faire que mon âme ne soit éveillée par la tienne ? " ( 3 )  

           Questions lancinantes qu'inlassablement semblait poser  l'immensité toute noire de la masse océane , imperceptible présence d'un mystère

infini , tout en bas , me répétant sans cesse la célèbre " Chanson d 'Amour " de Rilke .  

           Au dehors , dans les lointains d'une aube crépusculaire , étendue sur la mer bleue-verte , une pâle lueur fit renaître en moi , d'une manière incomparable , un timide , indicible espoir . Elle scintilla dans la nuit , comme une réponse tant attendue !

           Un vers de Victor Hugo , réminiscence des jours indolents de l'école , traversa rapidement mon esprit tourmenté :          

" O ciel , ainsi que toi le coeur est un abîme ." ( 4 )

          Je soupirais , comprenant trop tard ce qu'il signifiait .

          Mais lorsque j'essayais de bredouiller enfin quelques mots d'excuse , la passagère avait disparu ... 

 

     3 -  Si l'on en croit la légende irlandaise , c'est parce que la princesse Dana  ne voulait certainement pas faire aux humains le don d'immortalité qu'elle était venue rechercher sur la Terre d 'Irlande , cette fameuse " Pierre de Vie " , chargeant ses guerriers de retrouver sa trace ! Qui connaît les vraies raisons d'une guerre ou d'une invasion , soupirait-elle malicieusement , qui sait pourquoi ils ont été formés spécialement par moi pour cette nouvelle quête du

Graal ? Car la pseudo-éternité des " Grands Maîtres " , des Seigneurs gardiens de l'héritage , ne lui suffisait plus . Ces gens-là , qui avaient signé un pacte avec le Déchu , avaient l'audace de se prendre pour Dieu ! C'est ce qui , d'après elle , causa leur perte ! ( 5 )

Chaque être a son double , n'est-ce

pas , disait-elle avec ironie , comme la Lune , masquant d'un faux sourire la face cachée de son côté le plus sombre ? Jamais la foudre d'un éclair ne pourra remplacer la lumière du paradis !

           C'est alors qu'elle crut voir au plafond surgir un Ange avec à la main droite une épée de feu scintillante émettant des bouquets de flammes multicolores !

           Mais il était venu d'ailleurs , léger comme une plume avec son nouveau corps , là-bas , flottant sur sa table d'hôpital ! Et ce qu'elle avait pris pour un glaive n'était en fait qu'un scalpel , un faisceau de pierres translucides tenu par l'une de ces créatures bizarres vêtues de blouses blanches , de combinaisons , qui l'opérait à coeur ouvert , semblant dire , car il ne voyait pas leurs lèvres qui remuaient  derrière leurs masques - pourquoi les comprenait-il ? 

- Cela ne sert à rien puisqu'elle t'ignore ! Il vaudrait mieux mourir ... 

         Et l'Ange hurlait dans sa tête : - Pénitence ! Pénitence

     4L'étranger , dans les lointains brumeux d'un miroir d'eau , aperçut une magnifique jeune fille vêtue d'une robe 

de bal toute blanche : - Alors , mon

cher ? , fit la belle d'un air ironique provoquant le rire de ses compagnes qui s'éloignèrent tel un vol de tourterelles ... Vous ne trouvez pas qu'il est trop tard pour des retrouvailles

          Mais déjà , une autre voix de femme , à l'entrée majestueuse du manoir , l'appelait : - Entrez donc , il faut guérir votre blessure ! Vous avez déjà beaucoup trop souffert

         Qui donc pouvait être cette nouvelle Madone ? , s'interrogea-t-il , se sentant défaillir , éclatant en sanglots . Qui était celle , coiffée d'un chapeau de paille , ayant su si bien lire en ses yeux les blessures démesurées du soleil couchant , cette petite tache rouge comme une aube nouvelle à sa tempe sanguinolente , signe en lui d'une douleur sans

fin , souvenir d'une lutte féroce avec les gens du Village ?

         Il était mortellement touché , il allait mourir , peut-être le comprenait

-elle , avec ce bandeau posé sur les yeux de son esprit malade , mais tombant enfin dans les bras providentiels de cette pimpante infirmière à l'étole en

" blonde " sur son corsage de soie , et

qui , avec tant de grâce , faisait gracieusement tourner devant lui sa jupe de tulle bleu à crinoline ? 

         - Pitié rend sage le Fou au coeur pur ! , lui dit alors la Damoiselle aux mains de fine blancheur , et dont le tendre visage de consolation n'était qu'un pâle reflet vivant de sa propre angoisse et de son désespoir ! Sache attendre  , toi que j'ai choisi

        - Le Diable est à mes trousses ! , lui cria-t-il en réponse , frissonnant de terreur au moment de franchir , timide , le seuil de la Porte , car il craignait de rompre , en approchant trop près du Sanctuaire , la beauté d'un rêve religieux baigné d'une lumière aussi diaphane émanant de Sa douce présence ...

Elle irradiait le carrelage du vestibule , sorte d'échiquier sur lequel glissait comme un cygne un mystérieux fantôme parmi les statues de plâtre des Dieux du nord !

- Je suis Klingsor , le  cavalier du crépuscule ! , s'écriait l'homme d'un ton vengeur , portant sur son manteau blanc de chevalier teutonique la croix noire et le masque de la mort sans visage ! ( 6 )

Mais vous , n'êtes-vous pas assez " folle " vous-même pour vivre en un lieu si terrible ? , lui lança-t-il avec rage ! 

 

                     ___

 

 

DAN AR WERN - UNE VIE D'ARTISTE - Préface / Dédicace - La Coupe et le Glaive ( Banale Rencontre ) - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " UNE VIE D'ARTISTE " , copyright 2023

                 

                      ___

Notes :

 

- The Sojourner ( Celui Qui Passe ) , nouvelle de Carson McCullers

( 1917 -1967 ) dans son recueil "The Ballad Of The Sad Café " ( La Ballade du Café Triste ) : en anglais , Penguin Books , 1974 ; en français , Stock Editeurs , 1974 .

2 - Poème de Carson McCullers .

3 - " Chanson d 'Amour " de Rainer Maria Rilke ( 1875 - 1926 ) , écrivain , poète autrichien né à Prague .

4 - " Le Tas de Pierre " , Amour , de Victor Hugo ( 1802 - 1885 ) .

5 - Dana , déesse mère des " Tuatha Dé Danann " dans la mythologie irlandaise . 

6 - Klingsor , magicien de la légende arthurienne et de la mythologie germanique apparaissant dans le roman " Parzival " de Wolfram d'Eschenbach , datant du 13è siècle , et repris par Wagner dans son opéra

( 1882 ) .

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21 septembre 2023 4 21 /09 /septembre /2023 10:45
UNE VIE D'ARTISTE - II - MASQUES - 6 ) Amour et Trahison .

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

 

II - MASQUES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 ) Amour et Trahison

 

 

 

 

 

       

 

 

 

 

        

 

 

 

 

      13Sa petite voix claire et véhémente ralluma en lui , au-delà du chagrin , le souvenir enflammé de leur jeunesse insouciante , avec son cortège d'images défilant dans sa mémoire à toute vitesse telles ces descentes à ski , près d'elle , sur la neige de leur " Montagne Magique  " , au-dessus des " merveilleux nuages  " , comme elle disait .

           " Dansez-vous toujours ? , lui demanda-t-il pour essayer de rompre la glace , mais sans attendre , cette fois , de réponse , d'un ton qui se voulait plus convaincant que la veille .

" Vous ne vous rappelez donc pas la magie de cette nuit dans les Alpes ? , feignit-il de s'enquérir avec une légère effronterie . N'était-ce pas votre anniversaire ?

" Oh , oui ! , lui répondit-elle enfin , toujours très hésitante , observant , par le hublot , quelques lueurs fugitives clignotant dans le paysage , insensible aux appels de la furie océane , à ses gouffres , ses hurlements secrets , comme aux sirènes changeantes qui , depuis la disparition de

Sibylle , sa fille , avaient parsemé d'écueils la voie obscure de son propre destin . Mais il y a si longtemps ! , rajouta-t-elle après un instant d'indécision , se demandant ce qu'il pouvait bien faire là , s'il était au courant du rapt .

           La surprise , pourtant , tel un incendie dans un ciel d'azur , fit , une seconde plus tard , pétiller le bleu-vert de son regard : le sien , lorsqu'il s'y fixa , ne résista pas davantage à sa force éclatante , magnétique ! Elle avait fini par comprendre , il voulait négocier !

           " C'est si loin , cependant , se reprit-elle avec grâce , nous étions des ados dans ce temps-là .

Sans réfléchir , elle avait hypocritement posé sa joue contre la main de son ancien ami qui en avait alors profité , d'une voix remplie de fièvre , d'émotion , pour gazouiller la douce mélodie d'un chant d'oiseau à son oreille de musicienne :

" Tu sais , je n'ai rien oublié de nos chaudes étreintes ... de cette soirée magnifique à la belle étoile , de notre longue promenade à travers le village assoupi sous la neigeJ'avais même failli tomber , rappelle-toi !

            Incertain , voire inquiet du résultat de sa hardiesse , elle avait écouté son babillage , le pressant encore plus , tandis que lui ,

continuait à faire défiler dans sa tête les images d'un vieux film romantique :

" ... Notre vie à Paris , tous les

deux nos folles virées dans Montparnasse !            

            " Et toi ? Ton boulot d'écrivain ? , se contenta-t-elle de le couper brutalement .Tu vis encore à Montréal ? Comme c''est étrange , c'est une ville où je joue souvent ... Si tu savais , j'ai tellement voulu t'envoyer un mot , mais j'ignorais ton adresse ...

            En peu de temps , la mignonne , ayant perdu tout espoir , se mit à

pleurer , baissant les yeux de son beau visage attristé de mélancolie ...

 

      14 - Il n'avait pourtant presque jamais rien écrit , songeait-il de son côté , 

sinon de " petites choses " montrant qu'à l'époque , il était un jeune homme plein de fougue  cherchant sa route à

l'aveugle , peut-être seulement quelques poèmes enflammés , des lettres d'amour sans queue ni tête à une illusoire " bien-aimée " . Bref , des " trucs " jugés par lui et sa froideur d'adulte sans complaisance et sans  valeur , insensés . Ce qu'évoquait la charmante voyageuse , il avait  d'abord décidé d'y croire , par opportunisme , y mêlant de vagues images de ses errances juvéniles , maquillant en trompe-l'oeil une réalité bien plus sombre ou plus légère où il s'était laissé aller tout doucement , près d'elle , vers ce rêve impossible de vouloir embellir une vie sentimentale trop prosaïque ou monotone !

          " Quel Paul  ? , voulut-il avant tout l'interroger , se dégageant soudain , malgré ses larmes , de son étreinte amoureuse . Mais , vexé , il s'était mis à lui faire signe de se taire d'un regard silencieux .

" Je ne suis pas Paul , voyons ! , s'était-il écrié ensuite d'un ton rageur , lui coupant la parole tandis que la mémoire des faits véritables remontait lentement , comme une épave , de sa désespérance à la surface impassible des flots .

          Ne doit-on pas d'abord lever l'ancre pour ouvrir la route aux navires abandonnés ?

 

      15 - Mais n'était-il , en vérité , qu'un double équivoque se jouant à merveille des embûches de la séduction , ce type dont il avait néanmoins fini par se souvenir qu'il était arrivé une semaine avant lui dans la station , s'amusant encore à singer de temps à autre sa silhouette , celle d'un pantin , dans des miroirs d'apparences trompeuses ? L'avait-il seulement remarqué ? On aurait dit que tout lui avait réussi , à ce génie invisible avec ce faux air de famille dessiné sur lui comme une sinistre caricature , vision de votre propre échec incarnée dans un personnage de comédie , vrai " boute-en-train " toujours tiré à quatre épingles , joyeux turluron pour le bal de ces dames qui , avec l'insignifiance d'un bellâtre superficiel , était quand même parvenu à devenir son agent artistique , puis , plus tard , son mari ! Clara les avait d'ailleurs présentés pendant la fête , affirmant qu'ils se ressemblaient comme deux frères ... Jamais , il n'avait oublié , cependant , les fausses " promesses  " de sa nouvelle amie , ses tendres effusions déguisées lorsqu'il avait dû , sans elle , regagner la capitale !

 

      16 - Aujourd'hui , c'était la fin du voyage . Il allait l'arrêter parce qu'elle n'avait pas pris le bon avion , celui d'Akureyri . Travaillant en équipe avec la CIA sur l'affaire du " Diamant Bleu " , il avait à peu près réussi , alors qu'on venait juste d'arrêter une certaine Dickie débarquant d'un petit appareil sur le sol canadien , du côté d'Edmunston , dans le Nouveau-Brunswick , à comprendre ce qui s'était passé .

           C'était la fille qu'il avait rencontré la veille , une chanteuse de jazz ressemblant vaguement à la " star " , chargée par la bande d'amener le bijou sur le sol islandais pour qu'il puisse tranquillement continuer sa route vers l'Europe .

Et quoi de plus habile que de le confier au commandant de bord , nouvel amant de Clara , mais aussi militant royaliste convaincu , prétendait-il pour sa

défense , par une prophétie que le retour du grand roi se ferait le jour où son prestigieux emblème reviendrait chez lui !

           Bien sûr , celle-ci nia tout , même si on avait fini par mettre la main sur le trésor soigneusement dissimulé dans la mallette de son " chéri " !

" J'espérais qu'elle s'intéresserait aussi au violon ! , se mit-il à déchanter d'un sourire amer puisqu'au bout d'un rocambolesque procès , l'artiste complice , pour finir , s'était trouvée obligée de plaider devant le jury des circonstances atténuantes : le chantage du capitaine et l'enlèvement de sa fille par celui qu'elle avait pris pour son " ex " ,

l'inspecteur , évitant tout de même d'évoquer devant lui son souhait de remplacer la fausse pierre sur l'épée de son père . 

           Elle fut acquittée , retrouva Sibylle et vécut avec Francis ! ( 30 )

 

 

 

 

 

 

 

 

FIN 

 

 

 

                      ___

 

 

DAN AR WERN - Une Vie D'Artiste - II - MASQUES - 6 Amour et Trahison - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " Une Vie D'Artiste " , copyright 2023

                 

                      ___

Notes :

 

30 - Voir " L'Epée " I , 3 , 4 .

 

 

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20 septembre 2023 3 20 /09 /septembre /2023 10:37
UNE VIE D'ARTISTE - II - MASQUES - 5 ) Le Chant du Cygne .

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

 

II - MASQUES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5 ) Le Chant du Cygne

 

 

 

 

 

       

 

 

 

 

        

 

 

 

 

      11 - " Une âme qui en fait une

autre , un corps qui nourrit un autre corps en lui de sa substance ... " ( 27 

           Elle venait de donner , peu avant son départ , un concert , se demandant si ce n'était pas , en fait , sous cette forme , le dernier , car ayant vu , dans sa jeunesse , le "maestro " , visiblement transfiguré par l'amour , sans doute inavoué , qu'il ressentait pour son élève , diriger pour elle "Après un Rêve " de Fauré , elle avait éprouvé un violent sentiment de jalousie , ayant désiré , à sa place , mais d'une manière

différente , murmurer tendrement à l'oreille d'une autre fille jamais revue qu'elles pourraient aussi bien toutes deux sur Terre , être unies par la Providence ?

( 28 )

          Alors , blessure au coeur , combien de temps lui avait-il fallu attendre , fascinée par l'éclat de ce regard frappant de la couleur de ses yeux verts les eaux sombres du Bourget ?

          Pouvait-on vraiment devenir un seul être communiant à l'indicible patrie d'un  idéal commun , s'inquiétait-elle avant de partir , et suivre ces petites taches blanches , là-bas , dans le ciel , couple de cygnes qu'elle avait vu peut-être  , comme Lamartine , s'élancer vers cette station des Alpes , refuge éphémère dont venait de lui parler Francis , où , par miracle , elle avait pu aussi retrouver celle qui , un jour , avait enflammé son bel âge ! "

          Noyé dans la douceur d'une telle aube , songea-t-elle par la  suite , quelque chose en nous brûle parfois d'un immense désir de l'Eternel : Celui qui peu à peu s'approche devient un soleil immense où rayonne une figure ayant parfois la force d'un homme , parfois la douceur d'une femme , être double , androgyne , changeant de manière imperceptible comme la surface de ce lac gelé que , loin de la rigueur de l'hiver , mille couleurs de joie

printanière , lors d'une heure de gloire, feront revivre ! Et n'est-ce pas-ce pas

Lui , également , qui offre Sa fille Myriam aux pauvres mortels , divine princesse dont la pâleur vous brûle d'une flamme salvatrice à travers le cristal de l'onde ?

- N'êtes-vous pas  l'Ange ? , balbutia-t-elle enfin par devers-elle , tout en

sueur , à demi hébétée par la fièvre ...

 

 

      12" ... Ce matin-là , dès l'aube , la ville de Reykjavik lui apparut comme un fantôme à travers les contrées intemporelles d'un rêve  , entre l'éveil et l'endormissement , les années se

confondent ... " ( 29 )

           Le film était fini , beaucoup de gens dormaient plus ou moins bien dans l'avion . D'autres luttaient peut-être , comme elle , sous un quelconque lumignon , dans la cabine obscure de ce 747  " Jumbo " , s'efforçant avec peine , par la lecture , d'oublier la longue attente provoquée par la panne .

Elle tentait d'harmoniser la brève nouvelle d'une autrice américaine lui ayant plu depuis si longtemps qu'elle se plaisait à en changer les phrases pour mieux les pianoter sur son portable musical .

           C'est alors qu'elle avait cru soudain l'apercevoir ! La vie semble étrange , parfois , difficile à

comprendre . Présage ou coïncidence ? Il était passé si vite , une première fois , dans l'allée , comme l'ombre de son propre Destin qui s'était mis à surgir 

là , brutalement dévoilé , des phrases de son livre .

           Sans doute était-il temps ? Qui peut savoir ?

... A travers le hublot , l'océan des nuages gris et roses colorait l'immensité sombre de l'atlantique , s'irisant des éclats d'or du soleil émergeant peu à peu au-dessus de l' horizon . Sa lumière commençait à poindre , et la nuit se voyait contrainte , en même temps que lui , de donner naissance à la beauté d'un nouveau jour sans doute incomparable , comme celui du retour d'une voyageuse attendue depuis des lustres .

          C'est avec une grande surprise qu'elle le vit brusquement

réapparaître ... Elle aurait voulut se lever , courir vers lui comme une folle échappée d'un asile d'aliénés . Qui aurait su le dire ? Et puis , dans le creux de l'oreille , tout lui confier du calvaire de sa vie actuelle avant de lui parler de son dernier mariage et de la fuite de son

" ex " avec sa fille vers les Etats-Unis . Mais comprendrait-il vraiment ce désir qu'elle avait eu , jadis , de changer ses façons de vivre avec lui pour un immense besoin de liberté ?

          Ne demeurait-il pas au Canada , maintenant ? Sans en être bien sûre , elle l'avait souvent recherché dans les salles de concert . Certes , les regrets sont toujours vains , fouiller dans le passé ne sert souvent qu'à faire s'agiter des spectres ...

          Sa curiosité , cependant , la poussa . N'avait-il rien oublié de ses sentiments pour elle ? Une seconde , elle revit le temps de leur " insouciance " : deux étudiants se baladant à Paris , main dans la main , sur les quais  ...

 - " Que c'est étrange de vous revoir

ici ! , lui dit-il de son côté , au bout d'un instant de gène ... Mais , sortant péniblement de sa torpeur , la jolie rousse avait le dessein caché , en bredouillant un discours de circonstance , de vouloir masquer son émotion .

 - Ce matin , j'ai pris conscience de la vanité d'une étoile filante qui , avant d 'être engloutie par la mer , n'a laissé en fin de compte que la trace d 'une ombre au milieu de la nuit ! Je crois que je n'ai plus envie de souffrir afin d'accéder à tout ce que voulait dire un compositeur . A quoi ça servirait , après tout , de le comprendre au-delà des noires et des croches qui se courtisent amoureusement ou bien , au contraire , des silences qui curieusement

s'entrechoquentMoi aussije veux bâtir un autre langage ! "


 

( A Suivre ) 

 

 

 

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DAN AR WERN - Une Vie D'Artiste - II - MASQUES - 5Le Chant du Cygne - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " Une Vie D'Artiste " , copyright 2023

                 

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Notes :

 

27 Le Soulier de Satin " ( 1929 ) , pièce de Paul Claudel ( 1868 - 1955 ) , Troisième Journée , Scène I .

28 - " Après un Rêve  " - Levati sol que la luna è levata - op. 7 n°1 , de Gabriel Fauré ( 1845 - 1924 ) , publié en 1878 .

29 - D'après " The Sojourner " ( Celui Qui Passe ) , nouvelle de Carson McCullers dans " La Balade du Café Triste " ( The Ballad of the Sad Café and Other Works , 1951 , Houghton Mifflin - All rights reserved ) .

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18 septembre 2023 1 18 /09 /septembre /2023 09:50
Lac de Myvatn

Lac de Myvatn

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II - MASQUES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 ) Transfiguration

 

 

 

 

 

       

 

 

 

 

        

 

 

 

 

      8 - Allo c'est Ariel , est-ce que la

" tempête " a eu lieu comme prévu , tout s'est bien passé ?

- Ma chérie , rappelle-toi la chanson

" L'Ange de la Mort , comme une taupe , a été enterré dans un terrier " . ( 21 )

" Le vaisseau du roi est en sûreté dans un havre ... " ( 22 ) 

Ne t'en fais pas , nous serons bientôt libres tous les quatreSybille va bien

- Tranquillise-toi , ton mec me l'a confiée en attendant que tu débarques ! Nous serons tous là pour t'accueillir à Saint-Jean ! ( 23 )

 

      9 - Le lendemain , dès l'aube , le taxi s'élançait , se dirigeant vers l'aéroport par une petite route circulaire enneigée longeant le " Myvatn " où des nappes de brouillard , lambeaux de grisaille cotonneuse , s'accrochaient aux cimes de quelques feuillus rabougris posés tout autour d'une verte prairie au-dessous des nuages , dans les vagues reflets de ce lac volcanique immobile que le soleil matinal , enfantant peu à peu septembre , enveloppait aussi de quelques éclats de lumière virevoltant au vent ... ( 24 )

" Baptême céleste " , pensa la voyageuse en admirant ce paysage fantastique où le bien-être et la renaissance , la transfiguration de l'homme pouvaient être favorisés par un délicat équilibre entre l'onde sulfureuse et le rayonnement solaire , tandis qu'ailleurs , dans d'autres lieux invisibles , c'était plutôt la chaleur excessive ou des pluies acides qui provoquaient la mort ! "

           Mais la pureté de ton eau finira-t-elle par vaincre le rocher ? , se demanda-t-elle soudain , songeant à ce bijou dont tout le monde parlait dans la presse internationale , et qui venait d'être subtilisé l'avant-veille dans un musée de Washington : Le Diamant Bleu !

( 25 )
           Alors , des perles de flamme lui parurent jaillir
de toutes parts , comme si , tout à coup , le volcan réveillé s'était irisé des couleurs d'un arc-en-ciel avec bien d'autres éclairs luisant dans l'oeil d'un immense et sauvage

aiglon , violente créature brusquement surgie des abymes , comme un secret perdu dans le crépuscule d'anciens

jours ! Puis , dans la frénésie de cette extase incendiaire , elle crut voir

ensuite , comme cette petite fille ayant retrouvé, dit-on , par miracle Excalibur dans un lac de Cornouailles , l'épée rouge et flamboyante du roi légendaire ou , peut-être , le bec tranchant du rapace , étinceler dans le demi-jour , irradiés par les yeux d'Arthur tels deux gemmes merveilleuses , des escarboucles de lumière dévorante !

 " Ecoute , musique , songea-t-elle en elle-même alors , je suis en train de comprendre quelque chose ... ( 26 ) 

Qu'est-ce que l'amour , après tout , sinon cette flèche cruelle venant de toi , comme l'éclair zébrant sans rémission les profondeurs de mon coeur ?

 

      10 - Et sans doute prit-elle peur en ce moment pénible où , venant elle même de recevoir ce violent coup de poignard , ses pensées se perdaient au-dehors dans l'averse neigeuse avec l'automobile y dessinant la trace incompréhensible d'un nouveau chemin , sensation périlleuse mais pleine d'espoir , comme , aussi , cette impuissance à en saisir sur-le-champ toute signification !

 

 

 

 

 

 

( A Suivre ) 

 

                                 

                               

 

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DAN AR WERN - Une Vie D'Artiste - II - MASQUES - 4Transfiguration - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " Une Vie D'Artiste " , copyright 2023

                 

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Notes :

 

21 - " Free Four " , chanson de Pink Floyd sur l'album " Obscured By

Clouds " , musique du film " La Vallée " de Barbet Schroeder - Copyright 1972 Roger Waters / EMI Records LTD - All rights reserved . 

22 - " La Tempête( The Tempest , 1610 - 1611 ) , Acte I , Scène 2 , de William Shakespeare . Voir note 12 .

23 - Aéroport desservant la ville de Saint-Jean ( Nouveau-Brunswick

24 - Lac Myvatn , situé dans les environs du volcan Krafla dans le nord de l'Islande , proche d'Akureyri .

25 En 1668 , de retour d’un voyage en Inde , Jean-Baptiste Tavernier ( 1605 -1689 ) rapporta un millier de gemmes pour Louis XIV . Parmi elles , figurait un diamant de 115 , 4 ct ( environ 23 g ) à la teinte " céleste " : le Diamant Bleu !

26 - Le Soulier de Satin " ( 1929 ) , pièce de Paul Claudel ( 1868 - 1955 ) , Deuxième Journée , Scène X .

 

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14 septembre 2023 4 14 /09 /septembre /2023 18:00
UNE VIE D'ARTISTE - II - MASQUES - 3 ) Délire .

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

II - MASQUES

 

 

 

 

 

 

 

3 ) Délire

 

 

 

 

 

       

" Je crus tomber dans un abîme qui traversait le globe . Je me sentais emporté sans souffrance par un courant de métal fondu , et mille fleuve pareils , dont les teintes indiquaient les différences chimiques , sillonnaient le sein de la terre comme les vaisseaux et les veines qui serpentent parmi les lobes du cerveau ... "

Gérard de Nerval - " Aurélia " I ,4 .

 

 

 

        

 

 

 

 

      7 - Happée par un cauchemar étrange que le battement saccadé d'un invisible métronome hantait d'une musique lointaine dont l'origine provenait sûrement de la soute d'un immense

avion , là-bas , brûlant sur la piste , elle s'était jetée toute habillée sur son lit , se sentant complètement anéantie par ce qu'elle venait de vivre sans qu'elle en soit vraiment sûre , tellement cela lui avait paru effrayant l'espace d'un instant , perdue dans une sorte de vertige et s'interrogeant sur ce qu'elle aurait espéré connaître à nouveau de plus enthousiasmant en dehors de l'épouvantable vision de ces blocs de couleur sombre des montagnes d'encre d'un ciel cruel , sinistre paysage aperçu fugitivement par la fenêtre de son hôtel , où évoluait cet ange noir , ce pantin ridicule masqué d'écarlate qui paraissait la narguer dans sa monstrueuse solitude , Francis

peut-être , ou Paul , son fiancé , voguant comme un aigle aux serres sanguinolentes dégoulinant sur un désert de passagers résignés , faisant planer son ombre tragique sur les ineffaçables traces de la catastrophe inexpiable de sa vie ?!

       Pourtant , qu'étaient-ils près d'elle , "célèbre " musicienne ? 

Elle se demanda , sanglotant , s'il était vraiment possible de survivre au terme d'un tel parcours , comme si , après avoir tenté de sauter jadis dans le vide et de franchir ainsi d'un seul coup le seuil de cet au-delà du mal inespéré depuis le haut du cercle , on parvenait enfin , pour conclure , à se débarrasser du vieil uniforme de ses illusions perdues ... Celui de son père , par exemple ?  

       Mais n'offrons-nous donc rien , se questionna-t-elle ensuite , à la douleur des survivants qu'un peu d'indifférence pour fuir cette terrible culpabilité personnelle dans l'incolore sensation du conformisme et de la banalité de l'horreur ?

       Et lui , qu'aurait-il donc

ressenti , son " petit ami " de l'époque , alors qu'elle ne lui avait jamais rien dit de la tristesse profonde et maladive de sa mère , victime des frasques paternelles ? 

       Quelques heures de sommeil plus tard ,  les yeux à demi ouverts , la femme  remuait encore tout cela sur son balcon , fascinée au petit matin par l'immensité du cosmos étoilé dominant le panorama obscur qui l'entourait , se rappelant celui de son enfance en Nouvelle-Ecosse , et ce long chemin balayé par le vent qui l'avait amenée nulle-

part , lorsqu'elle était partie pour en finir à travers champs vers la falaise abrupte ! 

       Elle se revit au moment où tout lui avait semblé si sombre , au bout de l'énorme gouffre de ténèbres trouant le sol mystérieux , se souvint-elle , comme l'évoquait aussi le martèlement de la pluie sur les tuiles , résonance en elle d'un glas sépulcral au-dessus de la pièce où elle avait dormi , lorsqu' à minuit sonnant les fantômes insatisfaits de ses parents s'époumonaient en vain pour l'entraîner de leur côté !

      D'ailleurs, n'était-ce pas le vertige de leur chute interminable , ensuite , qui l'avait conduite dans un silence horrible à travers l'infini ?

      Réfléchissant à ce qu'elle faisait là , couchée dans cette chambre , trempée de sueur , elle écouta craintivement la sonnerie de son portable qui l'avait réveillée ! 

      Regardant par la fenêtre , elle remarqua encore quelques traces de l'orage nocturne ayant agité sous son crâne un ouragan bien plus dévastateur que dans les rues désertes d'Akureyri . Dans son délire , elle avait , à cause de lui , presque tout oublié , sinon quelques bribes de la soirée d'hier , mais en voyant l'horizon mystérieux couronné de nuages toujours très menaçants , la voyageuse chercha plus loin que le bras de mer assoupi sillonnant le sein de la terre comme les vaisseaux et les veines qui serpentaient parmi les lobes de son cerveau en feu : elle frissonna de plus belle en revivant les affreuses turbulences qui avaient amené l'avion à se poser ici en catastrophe ! ( 20 )

Elle décrocha le téléphone ...

 

 

   

 

 

 

 

 

 

( A Suivre ) 

 

                                 

                               

 

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DAN AR WERN - Une Vie D'Artiste - II - MASQUES - 3Délire - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " Une Vie D'Artiste " , copyright 2023

                 

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Notes :

 

20 - Akureyri , petit ville du nord de l'Islande .

 

 

 

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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 17:28
UNE VIE D'ARTISTE - II - MASQUES - 2 ) La Clé du Contretemps .

 

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

 

II - MASQUES

 

 

 

 

 

 

 

2 ) La Clé du Contretemps

 

 

 

 

 

        4 - Dans une sueur d'angoisse ,

Dickie , tout à coup s'éveilla , percevant par l'imposte , à travers le hurlement des flots d'épouvante , un timide rayon de lumière comme si son âme pensait y fuir , guettant une issue , plus mystérieuse et sans doute plus redoutable

encore , à cet horrible cauche-

mar ! N'avait-elle pas ressenti cette impression bizarre de n'être , en fait , jamais sortie de ce mauvais piège , telle une vague menaçante surgissant de l'aube au milieu du détroit , n'en finissant pas de mourir , impuissante , au rivage d'une lune argentée ? 

Tout lui avait semblé si sombre , étrange comme le martèlement de la pluie sur les tuiles , résonance en elle d'un glas sépulcral , juste au-dessous de la chambre où , jadis , dans son rêve , dormait un Ange , chaque fois qu'il venait , à

minuit , lui rendre visite , fantôme insatisfait du vent s'époumonant en vain par la persienne aveugle d'une mémoire outragée ! Ou alors , n'était-ce plus , maintenant , qu'une chute interminable , comme celle de l'avion vers ce lieu horrible , à travers le ciel infini ?

            Que lui était-il arrivé pour voir de plus en plus grossir en elle ce petit point de lumière blanche et bleue , l'oeil de son père ou celui de

Paul , son " boy-friend " , peut-être , au centre d'une tentaculaire toile d'araignée liant sa maudite âme à la sienne , tel un cockpit plongeant de façon vertigineuse au centre des premiers balbutiements de roche et matière brute de son moi naissant , depuis ce gouffre insondable de l'explosion de millions de consciences furieusement délatrices jusqu'aux subtiles ondes fluidiques d'une rutilante gemme stellaire éclaboussant de ténébreuse incandescence le trésor caché du Temple de Salomon ? 

Rajeunissant de plus en plus afin de reprendre , certainement pour leur plaire ou se dissimuler , sa première 

apparence , elle s'était mise à gémir , gagnée par la fièvre et le désespoir sous le regard de l'astre nocturne au-dehors , qui semblait la narguer de son sourire impassible au milieu d'un ciel soudainement redevenu clair ... 

Puis , se demandant ce qu'elle faisait là couchée dans ce lit , trempée de sueur , elle écouta craintivement le dernier des bips de son portable qui l'avait réveillée .

   Regardant par la fenêtre , elle remarqua sur la route détrempée de neige quelques traces de l'orage ayant agité sous son crâne cet ouragan dévastateur qui avait complètement bouleversé sa journée d'hier ! 

 

   5 Ils avaient trop bu , c'était

évident , ne pouvant reprendre le cours normal de leur bavardage .

- Mademoiselle ...hésita-t-il

ensuite ,  essayant d'engager , timide et troublé , un dialogue , lui demandant par quel miracle ils se retrouvaient

ici , dinant ensemble au coin du feu , sur cette île isolée .  

- Vous voudriez déjà connaître , en exclusivité , " La Clé du Contretemps "  ? , lui répondit-elle d'une voix délicieusement exotique après un long moment rempli de gêne et d'ironie . Car c'était le nom d'un morceau qu'elle s'était mise à pianoter dans sa tête et sur son coin de table , dans le petit restaurant de cet hôtel

fantôme , sur une plage abandonnée .

    Peut-être faisions-nous partie d 'une terre idéale , en harmonie parfaite avec notre nature profonde , vers laquelle chacun de nous ​​​​cheminait plus ou moins consciemment toute sa vie ? , se contenta-t-elle de lui répondre avec un sourire triste de circonstance . La recherche , si vous voulez , d'un accord de quinte à notre portée ... Mais comme une pause , n'est-ce pas , vaut quatre soupirs , j'espère encore que ce bienveillant silence de ma part vous montrera aussi une attente en suspens guettant un faible signe de votre

indulgence concernant l'oubli de cette 

" Classe de Neige " que nous aurions vécue ensemble il y a vingt ans ? C'était où , déjà , cette fameuse station de montagne , j'en ai visité pas mal !

- Pardonnez-moi de faire un peu comme le saumon qui cherche la rivière pour y pondre ses oeufs ? , lui répondit-il à son tour avec hardiesse , déçu qu'elle ne l'ait pas reconnu , s'efforçant de mieux la comprendre pour se noyer corps et âme dans l'eau bleue de ses yeux clairs de sirène ou de femme-poisson mouillés

de larmes . 

 - Truite saumonée , en ce qui me concerne ! , s'était-elle efforcée d'abord de plaisanter  , rougissante , lorgnant plutôt vers la carte , songeant peut-être au morceau de Schubert qu'elle venait d'interpréter sous forme de " blues " pour détendre l'atmosphère . C'est un peu de ça qu'il s'agit , n'est-ce pas , de la raison pour laquelle vous vous êtes échoué

ici Car pour moi , mon père m'a déjà laissé tomber à la naissance , parait-il , alors , ça ne vous suffit pasComment savoir s'il était breton , d'ailleurs , ce pauvre type !? , appuya-t-elle en le dévisageant , la mine dégouttée , sans qu'il puisse vraiment bien comprendre ce que signifiait ce brutal accès de colère vis-à-vis de quelqu'un qu'elle avait pris pour un dragueur impénitent . ( 16 )

- Vous savez , je rencontre tellement de monde  ! , lui lança-t-elle ensuite d'un air méprisant .

   6 - Bien sûr , il en était convaincu , la porte de sa chambre , Francis ne pourrait jamais la franchir , se désolant en lui-même et dans le secret de son coeur au bout de quelques verres d'Einstök en supplément , tandis qu'il revivait en songe tous ces vains espoirs déçus de sa jeunesse en essayant de la suivre au second étage . ( 17 )

- Eh bien , vous , monsieur l'ancien élève de Sainte-Hospice , parlez-moi un peu plus de cet autre cours , n'est-ce

pas , qui utilisait les mots plutôt que les notes , celui qui , selon vous , dans notre écoleressemblait à un récital sans musique . ( Elle devait faire

allusion , sans doute , à son intérêt pour la poésie mystique ) .

- Nous apprenions la

Miséricorde , souvenez-vous ! , parvint-il à courageusement lui rappeler , celle dont parlait Jean-Paul II suite à son attentat , qui arrive , écrivait-il , après une " souffrance qui brûle et consume le mal par la flamme de l'amour et qui tire aussi du pêché une floraison multiforme de bien " . ( 18 ) 

- Miséricorde , mon Dieu ! . Le jour où j'entendrais parler de mon géniteur , qu'il fasse gaffe , celui-là ! , le défia-t-elle d'un air bravache avant de monter à l'étage .

           Mais pour finir , elle s'était tranquillement rassise au piano dans le hall de l'auberge . Et certains clients se mirent même à reprendre avec elle un air de jazz :

" Love is a circle ,

  Take my hand , my friend ,

  Love is a circle ,

  Love will never end ... " ( 19 )

 


   

 

( A Suivre ) 

 

                                 

                               

 

                      ___

 

 

DAN AR WERN - Une Vie D'Artiste - II - MASQUES - 2La Clé du Contretemps - Pep gwir miret strizh - Tous droits réservés - All rights reserved - " Une Vie D'Artiste " , copyright 2023

                     ___

 

Notes :

 

16 - Quintette en la majeur , D. 667 , " La Truite " ( Forellenquintett1819 ) , seul quintette composé par Franz Schubert ( 1797 - 1828 ) , compositeur autrichien .

17 - " Einstök " , marque de bière islandaise .  

18 - " Mémoire et Identité " ( 2005 ) , pages 201 / 202 , Jean-Paul II ( 1920 - 2005 ) .

19 - " Love is a Circle " , paroles de Manny Feldman , musique de Graeme Allwright ( 1926 - 2020 ) dans l'album de ce dernier : " Tant de Joies , Graeme Allwright and the Glen Ferris Quartet " , copyright 2000 Graeme Allwright / EPM Musique - ADES - Tous droits réservés - All rights reserved .

" L'amour est un cercle ,

  Prends ma main , mon ami ,

  L'amour est un cercle ,

  L'amour ne finira jamais ... "

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6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 11:43
Miranda The Tempest ( 1916 ) John William Waterhouse .

Miranda The Tempest ( 1916 ) John William Waterhouse .

UNE VIE D'ARTISTE

 

 

 

 

 

II - MASQUES

 

 

 

 

1 ) Tempête

 

 

 

" Où est la fêlure par où l'on peut apercevoir l'universel désastre ? "

Virginia Woolf - " Les Vagues "

 

Miranda : " M'aimez-vous ? "

Prince Ferdinand : " Oui , plus que tout au monde , je vous aime , je vous estime , je vous honore . "

William Shakespeare - " La Tempête " , Acte III , Scène I .

 

 

     

 

 

 

     1L'amour , d'ailleurs , n' était-ce qu'une illusion ? Sachant qu'il était à Paris depuis peu pour étudier la comédie , elle l'avait suivi un soir , après les cours , bouleversé , depuis la rue de Mont-

pensier ,  se mettant à courir après cette  

" ombre rêveuse et téméraire  " , mystère de tant de fraîcheur et d'innocence . ( 11 ) 

          Après tout , ce monde n'était pour eux qu'une vaste scène de music-hall ou de théâtre , et les mots pour le décrire , joués par tant d'acteurs avec avidité parfois , qui , apparemment sans raison , leur nouaient la gorge , ne leur semblaient bien trop souvent qu'un masque dissimulant avec peine le douloureux secret de leur âme ... Pourtant , dans ces ténèbres du crépuscule où , perdu dans la foule comme un navire sur la mer , elle errait vers l'autre incognito il finirait bien , se disait-elle , par la rejoindre au plus beau soir d'une rencontre , celle de quelqu'un qu'il souhaitait depuis longtemps connaître , mais qu'il lui arriverait de trouver quand il ne la chercherait plus , tombant par miracle enfin sur celle qu'il avait peur , sans doute , jusqu'ici , de découvrir ? Son double ? 

          " Chère Miranda ( ou plutôt

Clara ) , j'ai rêvé de vous , lui écrirait-il en secret , j'ai rêvé encore que vous cherchiez votre chemin dans ma nuit , tout comme moi dans la vôtre , et que nous finirions par nous aimer un jour ... Cette infinie douceur cachée en vous comme une rose délicieuse et légère de mon jardin de souffrance , la découvrirai-jeEt ce beau sourire de lumière arraché à l'étoile de la Mort , me le donnerez-vous ?

     

     2 - Le soleil déclinait sur le parc , laissant ses derniers feux brûler le fronton des façades qu'un trio insoucieux de mannequins et photographes bravait encore de leurs sourires enjôleurs , snobant de rares passants pressés témoins de leurs poses .

          " Qu'aurais-je pu faire d'autre ? , se demanda-t-elle, tourmentée par cette rencontre d'un soir , pendant que son âme prisonnière se voyait obligée de fuir un terrible sentiment d'angoisse mêlé de culpabilité , son amie Ariel , partie le matin même , ayant été obligée de prendre un train pour l'île d'Ouessant , lieu où son père vieillissant , s'était-elle excusée , réclamait son aide . Elle était restée en fin de compte si peu de temps , blottie dans cette chambre parmi les bibelots de jadis , comme inexorablement échouée au milieu de ses rêves tels ces quelques arbres bordant de leurs sinistres silhouettes décharnées les allées sombres du Palais-Royal , ombres d'un vaisseau-fantôme ...

          "  Mais comment vivre sans elle ? , se torturait-elle néanmoins , fixant , pour s'endormir , l'horloge ancienne au visage impitoyable comme si elle ne parvenait qu'à lui rappeler le sien , pendule murale dont les aiguilles , " deux caravanes traversant un désert " , sonnaient le glas de sa solitude ... ( 12 ) 

D'ailleurs , l'avait-elle jamais aimée ? Le pire tourment , c'est le doute , finit-elle par conclure à la fin d'un sommeil agité , se levant pour , ensuite , contempler , l'oeil indifférent , ce mirage de Lune paraissant un songe à la surface de l'onde frémissante ...

          Comment se produit le retour de la clarté lorsqu'on revient du royaume invisible ? Quand il n'est pas partagé , l'amour peut-il jamais mourir ? Tant de questions l'agitait dans tous les sens , l'empêchant de dormir au pied du piano silencieux . Car la musicienne avait fui , profitant peut-être d'un prétexte pour mettre un terme définitif à leur

duo .

 

     3 - C'est qu'elle guettait le retour de l'hirondelle comme on attend la venue du

printemps ! Mais les notes , parfois , vous pèsent si lourds qu'aucun oiseau , trouvait-elle , n'aurait pu s'envoler de la partition ! Parfois Dieu calme la tempête , souvent , l'homme la laisse éclater ! 

          - Qui apaisera la mienne ? , implorait-elle au matin de ses quarante

ans . J'ai beau rêver d'un prince de Shakespeare l'aimer sur scène , j'ai tant de mal à l'approcher ! ( 13 )

           Ces après-midis , l'orage hurlait sa plainte au coeur des grands arbres d'hiver , et des nues d'épouvante , roulant à la surface des toits , ruisselaient de neige et de pluie sur leurs tuiles , pénétrant , comme elle  tombait en elle , infiniment , le bois vermoulu des charpentes : 

- Des blessures si profondes , gémissait-

elle , qu'elles ne doivent se murmurer qu'à l'oreille d'un ange , tel un brûlant secret !

          Certain soir de relâche , Clara suivait sa petite troupe au cabaret , se sentant transporté par la voix chaude et souple de la chanteuse aux prunelles expres-

sives , luisant comme des pépites , celle-ci l'excitant de son charme aguicheur , puis s'amusant à lui chanter d'une ardeur infatigable , et pour Ariel , peut-être , dont elle lui avait

parlé , des extraits de Schubert , Messager , Fauré , Saint-Saëns , parvenant à donner à chaque mélodie , dans la religiosité de l'auditoire , sa couleur unique . Alors , quelques phrases de Proust lui revenaient en

mémoire , évoquant , elles aussi , " l'angoisse de la musique et ses élans brisés par des chutes profondes "

( 14 )

    4 - Mais un jour , celui qu'elle avait tant cherché retrouva enfin celle qui s'avançait en toilette claire et nuage de

soie , celle qu'on n'attendait plus , la demoiselle d'ancien satin , d'aurore diaphane , avec son chapeau de roses dans un grand champ de fêtes gracieuses , femme limpide et simple , cygne majestueux glissant sur le lac scintillant des nuits étoilées !

         Folie d'un soir s'était tue . N'allait-elle paraître , maintenant , la reine

bien-aimée ?

N'allait-elle guérir tous ses désespoirs les plus secrets de son ineffable pas de danse , versant sur ses plaies ouvertes la magie , l'enchantement d'un baume séraphique aux divines harmonies ?

 " Ta face est ma seule patrie

   Elle est mon royaume d'amour ! ( 15 )

 

 

 

 

 

( A Suivre )

 


 

       

 

 

 

 

 

 

 

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Notes :

 

11 - " Miracles  " ( Introduction de Jacques Rivière , 1924 ) et " " Correspondance Jacques Rivière - Alain-Fournier 1905 -1914 " , Gallimard , Paris , 1937 .

12 - " Les Vagues " ( The Waves , Virginia Woolf , 1931 ) .

13 - " La Tempête " ( The Tempest , 1610 - 1611 ) , l'une des dernières pièces de William Shakespeare .

14 - " Les Plaisirs et les Jours  " ( Les Regrets , Rêveries Couleur du Temps - IV - Famille Ecoutant la Musique ) , Marcel Proust , 1896 .

15 - Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus

( 1873 1897 ) .

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