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17 août 2009 1 17 /08 /août /2009 15:45

AUBERIVE (13 )


 

 

 

 

La Porte Océane ( 9 )
( Suite de : "Histoire d'un Chef d'Orchestre " )
" Mon Dieu , mon Dieu , pourquoi faut-il aussi longtemps ,
  Pourquoi faut-il , pour que je puisse Vous aimer ,
  Que Vous foudroyiez les fleurs de mon printemps
? "
Francis Jammes - " Clairières Dans le Ciel " -
L'Eglise Habillée de Feuilles ( 17 )

2è Partie : Le Village

                        à  Patrick McGoohan  ( 1928 - 2009 )



                Deuxième Journée


                
        9 - Les premières maisons du village dressaient leurs silhouettes pimpantes sur le versant de la colline .
Il reconnut les ruelles pittoresques du petit port de jadis , et , l'air intrigué , choisit un chemin menant en pente douce vers la plaine littorale .


               
        " Bonjour , monsieur Kervern ! , lui lança un drôle de bonhomme au sourire éclatant dont la mise était singulièrement semblable à la sienne : " Quelle belle journée , n'est-ce pas ? " 
Sa poitrine arborait quelques fils cousus d'or surmontés d'une hermine héraldique . Il put lire : " Kentoc'h mervel ... " ( 1 )
Il n'eut pas le temps de lui répondre , encore moins de comprendre comment le promeneur avait deviné son patronyme : telle une ombre absorbée par les rayons du Soleil flamboyant , celui-ci avait brusquement disparu !
        Des échos lui parvinrent aux oreilles , bribes de musique provenant d'une fanfare endiablée , rires lointains d'une  joyeuse troupe s'essayant à rejouer sans cesse un passage du " Bro-Gozh " , l'hymne national , aux accents de la cornemuse et des bombardes . ( 2 )
        Fred s'interrogea , surpris que le passant de tout-à-l'heure ait utilisé le vieux langage de la péninsule . 
Tous les gens qu'il avait croisés depuis lors l'avaient dévisagé du coin de l'oeil , pressés de s'esquiver au plus vite avec un aimable et ridicule " Tout va bien chez vous ? " qui , chaque fois , semblait les dédouaner de leur fuite !
        Il arriva devant l'hôtel de ville habité d'une étrange impression .



        Pourtant , le paysage alentour lui offrait un décor de fête joviale , de paix rassurante . Il n'y avait plus aucunes traces de Recouvrance et de ses funestes "bunkers " ... Seulement quelques vestiges d'un passé révolu semblant bizarrement revenir à la surface de sa conscience . Non , se rassura-t-il , ce ne pouvait être encore cet affreux cauchemar peuplé de ruines , cette vision d'Apocalypse à l'hôpital qui lui avait fait croire à la destruction totale de la planète ! ( 3 )
        Des lettres d'or étincelaient , triomphantes , sur le fronton de la mairie : " Potius Mori Quam Foedari ! "
D'innombrables bannières noires et blanches claquaient au vent du large .
Il croisa les sonneurs qui reprenaient toujours la même ritournelle et dont la tenue n'était pas différente des autres .
Pourquoi étaient-ils tous donc vêtus du même uniforme ? , se dit-il .
C'était la question qui le taraudait .
Mais plus fort que le brouhaha parfumé de sel marin , lui répondit , surgi de nulle-part , le timbre métallique d'une voix féminine suave et charmante !
" Bonjour à tous  ! , annonçait-elle . Nous voici à l'aube d'une merveilleuse journée ! Votre programme ? La préparation de notre grande parade qui doit avoir lieu ce soir !... "
        Notre visiteur n'eut pas l'envie d'en écouter davantage . Il était trop curieux de savoir d'où provenait l'aimable invitation . 
Son regard se porta d'abord sur les beaux bouquets de fleurs odorantes qu'on avait disposés , sur la place , au pied des vénérables murailles de l'édifice . Il cherchait un microphone .
Puis il réalisa qu'il pourrait se trouver , peut-être , adroitement dissimulé parmi les nombreuses décorations électriques devant illuminer la fête .
        En effet , sur tous les monuments de la ville , on préparait de vives explosions florales .

De multiples gerbes et guirlandes multicolores devaient ensuite jaillir de toutes parts comme des feux d'artifice ou des cascades féeriques !
Mais le long des facades bigarrées des immeubles de style baroque ou rococo , des hôtels de luxe et des palais orientaux , comme sur le toit de chaume des plus simples cottages de la côte , partout l'on déroula d'immenses panneaux de toile reproduisant un visage identique .  
        Notre héros , frappé d'étonnement , ne se soucia pas davantage de l'architecture très kitsch et de l'évolution de l'urbanisme dans la station balnéaire si conformiste et si paisible du temps de son enfance . Il se mit à trembler comme une feuille !

Car c'était bien lui dans un vieux costume de scène , sur cette photo jaunie d'un concert d'autrefois qu'un sourire de circonstance éclairait sur tous les murs ! ( 4 )
        De jeunes surexcités passèrent soudain le coin de la rue .

C'était ceux du "bagad " , et celui qui les entraînait , le chef de groupe , se mit à hurler dans un haut-parleur tandis que ses compagnons levaient avec véhémence une banderole illustrant ses paroles de haine :
" Kervern assassin ! Kervern assassin ! "
                                                      


( A Suivre )

                           ___


DAN AR WERN - Auberive ( 3è Cercle ) - 13 - La Porte Océane - 9 - Septembre 2004 / Revu : Août 2009 - Pep gwir miret strizh / All rights reserved / Tous droits réservés - Version Française / E Galleg . " Auberive " , Copyright 2006 .
Notes :
1 - " Kentoc'h Mervel Eget Bezan Saotret  ! / Potius Mori Quam Foedari  ! " 

( Latin ) , devise de la Bretagne = Plutôt la Mort Que la Souillure !
2 - " Bro Goz Ma Zadoù " ( Vieux Pays de Mes Pères , 1898 ) , hymne national breton , paroles de François " TaldirJaffrenou

( 1879 - 1956 ) , druide , écrivain breton .
3 - " La Troisième Arche  " .
4 - " Histoire d'un Chef d'Orchestre  " .
Photos : Portmeirion ( Pays de Galles ) dans la série télévisée "Le Prisonnier " ( The Prisoner , 1967 ) , de George Markstein et Patrick McGoohan .

      

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